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Masisi, le calvaire des déplacés de guerre

"On a fui sans regarder en arrière, sans même une assiette” : comme Salomé, 60 ans, des milliers de personnes s’entassent autour de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, devenue le refuge de cohortes de déplacés après deux ans de rébellion du “M23”. Ils manquent presque de tout, et doivent se battre pour survivre.


Il y a une dizaine de jours, les combats se sont intensifiés entre les forces gouvernementales et les rebelles, appuyés par des unités de l’armée rwandaise, au niveau de Sake, cité stratégique du territoire de Masisi située à une vingtaine de km à l’ouest de la capitale provinciale du Nord-Kivu.

Saké est considéré comme un dernier “verrou” vers Goma, un symbole de la résistance face à la rébellion qui occupe de larges pans de la province, et un point de passage essentiel à l’approvisionnement de la ville de plus d’un million habitants, adossée à l’est à la frontière rwandaise et bordée au sud par le lac Kivu.

Des bombes sont tombées, les combats ont été violents. Aucun chiffre officiel n’a été donné, mais diverses selon sources, il ya eu des dizaines de morts et blessés, civils et militaires. Jeudi, l’armée sud-africaine a annoncé que deux de ses hommes, intégrés dans une force régionale d’Afrique australe qui vient de se déployer dans la région, avaient été tués et trois autres blessés.

Sake n’est pas tombé à ce stade mais, selon l’ONU, environ 135 000 personnes ont fui vers Goma. Des habitants de la cité, mais aussi des villageois qui y avaient trouvé refuge après une première fuite devant l’avancée rebelle.

 Les bombardements aveugles amplifient la pression exercée sur des ressources déjà limitées pour accueillir 800 000 personnes déplacées à l’intérieur de la région et 2,5 millions dans la province du Nord-Kivu, constate le HCR (Haut commissariat aux réfugiés de l’ ONU). 

– “Misérables” –

“Nous avons d’abord fui Shasha (sur la route menant vers le Sud-Kivu) et avons trouvé refuge à Sake”, raconte à l’AFP Janvier Bihira, 25 ans. Puis, “à Sake aussi, ça a chauffé, et nous sommes venus ici”, ajoute le jeune homme, installé dans une église pentecôtiste qui déborde de déplacés.

“Nous ne savions même pas où nous allions dormir, nous étions comme des oiseaux. Nous souffrons énormément”, lâche-t-il, sans espoir de retourner rapidement dans son village. Les M23 “sont très durs, je ne pense pas qu’ils seront repoussés aussi facilement”, dit-il.

Dans l’église, des matelas sont posés par terre. Les familles qui ont fui sans rien emporter avec elles dorment à même le sol, sur des nattes ou de simples pagnes. “Nous dormons dans des conditions misérables, les uns sur les autres. Il y a plus de 85 personnes dans cette église”, se lamente Antoinette Kabumba, pendant que dehors, des hommes construisent des huttes de branchages.

Dans la ville de Goma elle-même, les habitants sont aux aguets, cherchant des nouvelles du front sur les réseaux sociaux et à la radio. Parfois, ils entendent de fortes détonations, comme dans la nuit de vendredi à samedi, où au moins une “bombe” a touché l’aéroport, selon une source au sein du gouvernorat de la province. Les conversations tournent aussi autour des prix qui augmentent à cause des difficultés d’approvisionnement.

La vie devient de plus en plus intenable!”, s’emporte une femme d’une trentaine d’années rencontrée au marché Virunga. Goma est au cœur des violences qui secouent l’est de la RDC depuis trente ans. Fin 2012, elle avait été occupée par le M23 (“Mouvement du 23 mars”), né cette année-là et vaincu militairement l’année suivante.

Après plusieurs années de sommeil, le M23 a repris les armes en novembre 2021, en reprochant au gouvernement de RDC de ne pas avoir respecté des engagements sur la réinsertion de ses combattants. Depuis, il s’est emparé de vastes pans de territoire du Nord-Kivu et exige des négociations. Kinshasa refuse, en qualifiant les rebelles de “terroristes” et en accusant leur parrain rwandais, qui nie, de vouloir faire main basse sur les richesses de la région.

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