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Législatives 2023 : ces ministres candidats qui ont aligné des membres de famille comme suppléants

Sur les 49 ministres candidats aux législatives du 20 décembre 2023 et proclamés élus provisoirement dans la nuit du 13 au 14 janvier par la Ceni, 8 ont aligné leurs membres de famille comme suppléants. Cette pratique au cœur du débat public en RDC a pourtant été déconseillée par l’UDPS, parti présidentiel.


Nombreux sont les membres du gouvernement central qui ont opté pour la suppléance familiale pour les élections législatives de décembre 2023. Sur les 49 ministres, vice-Premiers ministres et vice-ministres compris, ayant postulé à ces scrutins, 12 ont pour suppléants au moins un membre de leur famille biologique. Et dans ce lot, huit ont été proclamés élus provisoirement par la Commission électorale nationale indépendante.

Les adeptes de ce procédé se comptent dans la capitale. Il s’agit de Pius Muabilu, ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, et de Godard Motemona (non élu), vice-ministre des Mines, dans la circonscription de Mont-Amba, ainsi que Séraphine Kilubu, vice-ministre des Transports, à la Tshangu.

Neuf autres ministres candidats aux législatives se retrouvaient dans cette configuration, éparpillés à travers le pays : Claudine Ndusi, ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance sociale, dans le Sud-Kivu ; O’neige N’sele, vice-ministre des Finances, dans le Maï-Ndombe ; Guy Loando, ministre de l’Aménagement du territoire, dans la Tshuapa ; Ève Bazaiba, ministre de l’Environnement, dans la Tshopo ; Elise Bokumwana, vice-ministre du Budget, dans la Mongala ; et Jean-Lucien Bussa, dans le Sud-Ubangi ; Augustin Kibassa (non élu), ministre des Postes, Télécommunications et Nouvelles technologies de l’information et de la communication, dans le Haut-Katanga ; Antoinette Kipulu (non élue), ministre de la Formation professionnelle et des Métiers, dans le Kwilu et Anne-Marie Karume (non élue), ministre des Relations avec le Parlement, dans le Haut-Uélé.

Cartographie des ministres candidats aux législatives proclamés élus par la Ceni ayant recouru à la suppléance familiale


Une pratique critiquée, mais jamais interdite

D’un point de vue légal, le député est élu avec deux suppléants. Ces derniers sont ses colistiers. Ils le remplacent selon l’ordre établi, en cas de décès, de démission, d’empêchement définitif, de condamnation pénale ou d’activités incompatibles avec l’exercice de la fonction de député national.

Les critères de choix des suppléants ne sont pas explicitement fixés par la loi et sont à la libre appréciation du candidat député. Très souvent, sous d’autres cieux, les critères qui entourent le choix des suppléants sont d’ordre politique et social. Ainsi, il peut s’agir de séduire le plus large électorat en raison d’un aspect particulier de la personnalité, de l’identité des suppléants ou de toute autre raison pertinente : géographique pour atteindre les différentes parties d’une circonscription, l’âge, l’expérience, la représentativité, etc.

Bien que non interdite à ces jours par la loi en RDC, la suppléance familiale demeure largement remise en cause en raison des abus qu’elle engendre. L’expérience des élections et des institutions de la troisième République a montré que la désignation des suppléants reste irrationnelle et subjective. Souvent, pour maintenir les avantages du poste en cas d'incompatibilité, certains choisissent famille ou proches plutôt que membres de leur parti. D’autres affirment ne pas faire confiance à des inconnus qu’ils ne pourraient pas « contrôler » et, au pire des cas, qui pourraient « les éliminer politiquement ou physiquement ».

Cette pratique a été dénoncée comme du népotisme. Elle a été fortement critiquée par de nombreux acteurs politiques et de la société civile. Elle est aussi très mal perçue par l’opinion publique. Les évêques catholiques, réunis à Lubumbashi du 19 au 22 juin 2023, lors de leur 60e assemblée générale, ont même appelé le peuple à « ne pas élire les candidats qui présentent les membres de leurs familles comme suppléants ».

De son côté, le G13, un groupe informel de 13 parlementaires et personnalités, à l’origine d’une initiative de loi dite « Lokondo » visant à modifier la loi électorale, avait suggéré, le 17 octobre 2020, « l’interdiction de porter comme suppléants, sous peine d’annulation de l’élection, des parents en ligne directe ou collatérale, ascendante ou descendante, jusqu’au deuxième degré inclus ». Pour les initiateurs de cette proposition de loi, la suppléance familiale « accentue le clientélisme et crée un système de privilèges familiaux », une situation qui ne permet pas de fédérer autour des idées politiques et consolider la légitimité des institutions ainsi que la représentativité sociale au sein de celles-ci.

Lors de l’adoption de ce texte, seules cinq thématiques sur les 18 proposées ont été adoptées. L’idée de supprimer la suppléance familiale n’a pas été retenue. Pourtant, un sondage réalisé en juin 2022 par Berci, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Ebuteli a révélé que 53 % des Congolais étaient favorables à cette proposition.

La majorité parlementaire avait, quant à elle, considéré qu'une telle interdiction serait discriminatoire et violerait les dispositions des articles 12 et 13 de la Constitution relatives à l’égalité entre citoyens. Certains sont allés plus loin en la considérant comme liberticide et antidémocratique.

Avant la tenue des scrutins, le parti présidentiel, UDPS, avait demandé à tous ses candidats, membres du gouvernement ou pas, de profiter de la période d’ajout, retrait et substitution, accordée par la Ceni pour remplacer tous les suppléants ayant des liens de famille avec eux. Ce que tous les ministres candidats n’ont visiblement pas suivi.

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